Romain Pirracchio dirige le service réanimation du Zuckerberg Hospital, le grand hôpital public de San Francisco. Pour le médecin français, si la grande ville de l’ouest américain fait figure d’exception dans un pays ravagé par l’épidémie, c’est surtout grâce à la rapidité avec laquelle les mesures de protection y ont été appliquées, bien avant le reste des États-Unis : “L’état d’urgence a été déclaré début mars en Californie, ce qui a déjà permis de préparer les services de santé. Puis ensuite, mi-mars, un confinement qui a été déclaré alors qu’on n’avait que quelques cas déclarés à San Francisco”.
L’autre atout de San Francisco, c’est sa faible densité de population, par rapport à New York par exemple : “Il y a beaucoup moins de densité de transport en commun, donc beaucoup moins d’endroits où les gens sont en contact direct, avec beaucoup de gens qui travaillent dans des domaines technologiques et qui ont pu se mettre à travailler à domicile assez facilement.”
Malgré ces bons résultats, reconnaît le docteur Pirracchio, une partie des patients est passée sous les radars : “L’accès aux soins aux États-Unis peut faire en sorte qu’un certain nombre de personnes qui ont une couverture médicale qui n’est pas extrêmement bonne, qui sont vraiment dans la partie basse de la “middle class”, qui sont assez limitées, qui ont un plafond très bas, ces personnes-là, effectivement, se retrouvent dans des situations où elles vont consulter tardivement, voire pas du tout.”. Enseignant chercheur, Romain Pirracchio, a passé 10 ans à la tête du service réanimation de l’hôpital Georges-Pompidou à Paris, notamment au moment des attentats de 2015, avant de rejoindre les États-Unis.
À 41 ans, le Français dirige aussi en Californie un laboratoire spécialisé dans les biostatistiques, en clair l’utilisation de l’intelligence artificielle pour l’aide à la décision médicale : “Ce qui est spécifique à la Silicon Valley, c’est qu’il y a beaucoup d’acteurs non académiques, que ce soit des startups ou des biotechnologies, qui effectivement se sont mis à travailler en collaboration avec nous, donc beaucoup de choses sont en train d’être développées, jusqu’à des outils de suivi des patients, d’intelligence artificielle pour prédire l’évolution de la maladie, adapter le système de santé en fonction de ces prédictions.”
L’idée, grâce aux nouvelles technologies présentes ici, c’est de tenter de construire des modèles pour prédire et adapter la réponse : “Savoir traiter, si un patient peut présenter des symptômes, grâce à des outils connectés. Puis quand il présente des symptômes, pouvoir prédire s’il va se dégrader, s’il va avoir besoin de réanimation et s’il va avoir besoin d’un respirateur.”
La côte ouest des États-Unis a aussi bénéficié, dès fin janvier, des restrictions de voyages en provenance de la Chine, imposées par l’administration Trump, au contraire de New York. Si le peu de décès est indéniable à San Francisco, à peine une vingtaine, le nombre de contaminations en Californie, lui pourrait être 50 fois plus important que les chiffres officiels, selon une étude menée ce mois-ci par deux chercheurs de Stanford. Le pic épidémique devant être atteint là-bas d’ici la fin du mois. Les autorités locales réfléchissent déjà à un plan de déconfinement partiel dès le 4 mai.
Lui écrire: romain.pirracchio@ucsf.edu